
Dans son atelier oĂą s’Ă©talent ciseaux, main de fer et cuir tannĂ©s, Jean Strazzeri est le dernier gantier de Grenoble, ville qui, au XIXe siècle, s’enorgueillissait d’ĂŞtre la capitale mondiale du gant de luxe, mais cherche aujourd’hui Ă transmettre son savoir-faire.
« Je fabrique environ 200 paires de gants par mois, contre près de 300 douzaines de paires dans les années 1960 », relève avec regret Jean Strazzeri, unique meilleur ouvrier de France (MOF) de la profession et président de la Fédération française de la ganterie.

Dans la quiĂ©tude de son atelier, l’artisan est loin de l’effervescence du milieu du XIXe siècle lorsque Grenoble et sa rĂ©gion produisaient jusqu’Ă 1,5 million de paires par an pour ganter les mains de la bourgeoisie en France mais Ă©galement Ă l’Ă©tranger, notamment en Angleterre, aux Etats-Unis et en Russie.
Les gestes restent les mĂŞmes: Ă©tirer, couper, dresser, coudre. En tout, une trentaine d’Ă©tapes exclusivement manuelles et « difficiles Ă apprendre », qui s’enchaĂ®nent pour produire des gants sur-mesure, au quart de taille près, selon Jean Strazzeri.
A 59 ans, dont 45 Ă façonner la peau de chevreau, Jean Strazzeri qui a assistĂ© à « la dĂ©chĂ©ance de la ganterie de luxe », passĂ©e de mode et concurrencĂ©e par les ganteries de Millau (Aveyron) au XXe siècle, rĂŞve d’enseigner les gestes qu’il a lui-mĂŞme appris auprès d’un maĂ®tre gantier.
« Si j’avais le personnel qualifiĂ©, je pourrais produire trois fois plus », assure l’artisan qui dĂ©plore la disparition du CAP de coupeur.
Muni d’un simple certificat d’Ă©tudes, le gantier d’origine italienne envisage de mettre en place Ă Grenoble, dès 2010, une formation pour quelques ouvriers, afin d’assurer sa succession.
Il envisage aussi un « musée vivant » du gant pour « remettre à la mode ce symbole du luxe à la française ».
« J’ai fabriquĂ© des gants pour le magasin Saks sur la cĂ©lèbre 5e avenue Ă New-York, pour Harrods Ă Londres, mais aussi pour des boutiques au Japon, en Autriche et en Allemagne », se souvient-il.
Encore dernièrement, au cinĂ©ma, ses gants ont parĂ© les mains des acteurs de Coco avant Chanel et Chanel et Stravinsky, l’histoire secrète.
Jean Strazzeri a Ă©tĂ© rĂ©cemment « contactĂ© pour des conseils » par une jeune entreprise grenobloise, FST Handwear, fraĂ®chement installĂ©e Ă Grenoble et spĂ©cialisĂ©e dans la fabrication de gants en tissus synthĂ©tiques. Mais cette « relation » ne devrait pas se dĂ©velopper : un gouffre sur la façon de travailler sĂ©pare l’artisan du fabricant de prĂŞt-Ă -porter.
FST Handwear, tout en revendiquant toutefois sa filiation avec « la capitale historique de la ganterie », s’est lancĂ©e dans la production de gants imprimĂ©s de motifs graphiques, en trois tailles, fabriquĂ©s au Maroc.
Conçus comme des accessoires de mode, les gants ont été écoulés la première saison (2008-2009) à 3.000 exemplaires.
FST Handwear envisage d’en Ă©couler dix fois plus en 2010. « En France, mais aussi au Japon et aux Etats-Unis », espèrent ses dirigeants conscients que l’image du gant de luxe, vĂ©hiculĂ©e par les anciennes ganteries grenobloises, constituent « une caution » pour leur entreprise.
Mais pour Jean Strazzeri, cette relève n’est « pas vraiment » celle dont il rĂŞvait.
Bonjour,
La ganterie a un nouveau site web.
Cdlt